Site de Bertrand LIAUDET

La Bosnie-Herzégovine ou le choix du "vivre ensemble"

7 mai 1993, par Bertrand LIAUDET

Pétition au sein du mouvement français de l’époque contre la purification ethnique : une petite centaine de signatures.

Des morts par dizaines de milliers, des massacres, des tortures, des familles sciemment brûlées avec leur maison, des viols systématiques, des camps, des destructions de villes et de villages, un exode de masse, la famine : cette agression se déroule sur tout le territoire de la Bosnie-Herzégovine depuis plus d’un an. C’est toute une population civile et son histoire qui est victime d’une politique de purification ethnique.

Face à cette agression, nous voulons tout d’abord dénoncer le principal agresseur, à savoir les nationalistes serbes de Bosnie-Herzégovine soutenus, moralement, économiquement et militairement, par le régime nationaliste de Serbie et sa politique de purification ethnique. Nous dénonçons aussi, dans une moindre mesure, les nationalistes croates de Bosnie-Herzégovine.

Nous voulons ensuite reconnaître l’agressé comme étant le peuple pluri-ethnique, Croates, Musulmans et Serbes, de Bosnie-Herzégovine et son gouvernement démocratique. Nous affirmons notre solidarité envers ce peuple et son gouvernement. Nous exprimons particulièrement notre compassion envers les Musulmans de Bosnie-Herzégovine qui sont les principales victimes du nationalisme serbe et de sa politique de purification ethnique.

Nous voulons rappeler que le vivre ensemble des Croates, des Musulmans et des Serbes de Bosnie-Herzégovine (qui sont tous des Slaves de langue Serbo-Croate) est toujours en acte, malgré les atrocités commises, tant dans le gouvernement et l’armée bosniaque que dans les principales villes encore sous contrôle bosniaque. A Sarajevo, assiégé depuis plus d’un an par les milices nationalistes serbes, on compte toujours plus de 70 000 Serbes sur une population d’environ 300 000 habitants qui, dans l’épreuve, continuent d’affirmer leur volonté de vivre ensemble.

Contre toute idée de haine ancestrale et raciste, nous soutenons tous ceux qui en Bosnie-Herzégovine défendent le droit au choix du vivre ensemble.

C’est pourquoi nous dénonçons les éléments suivants de la diplomatie ONUsienne :

-  L’incohérence de la résolution 713 du conseil de sécurité ; en effet cette résolution, votée le 25 septembre 1991, décida d’appliquer un embargo sur les ventes d’armes à la fédération yougoslave ; or cette résolution fût suivie, dès décembre 1991, de la reconnaissance, par les principales nations qui avaient voté l’embargo, de l’indépendance des républiques de la fédération yougoslave, et donc de la dislocation de celle-ci ; la résolution 713 s’est alors appliquée, automatiquement et sans plus de débat, aux républiques nouvellement reconnues. Cette résolution et les reconnaissances ultérieures ont ainsi livré la Bosnie-Herzégovine, sans moyens pour se défendre, aux appétits barbares des nationalistes serbes ;

-  Le plan de paix Vance-Owen de l’ONU et la CEE : basé sur la négation du peuple bosniaque (Croates, Musulmans et Serbes) et sur la négation d’un vivre ensemble possible et effectif, il propose comme solution de paix un déplacement massif des populations, c’est à dire la version diplomatique de la purification ethnique ;

-  Le rôle de la FORPRONU, force de protection de l’ONU, qui s’avère être au mieux une force d’observation de la purification ethnique au pire un soutien à cette purification ; il est moralement inacceptable que le chef de cette FORPRONU participe aux festivités des nationalistes serbes lors de la Pâques orthodoxe ; boire et manger allègrement avec l’agresseur, pendant que l’agressé meurt de faim, ne peut pas être accepté comme un acte de diplomatie, mais bel et bien comme un acte de collaboration de la diplomatie ONUsiene avec l’agresseur.

Nous dénonçons aussi la diplomatie française, tant la présidence que les gouvernements successifs de gauche et de droite, pour son rôle de soutien aux éléments dénoncés de la diplomatie ONUsienne, pour son absence d’expression de solidarité envers l’agressé qui va jusqu’à une politique d’accueil des réfugiés cautionnant la politique de purification ethnique, et pour les réticences qu’elle émet face à toutes sanctions contre l’agresseur.

Nous déplorons que les médias, dans une très large majorité, n’assument pas leur devoir d’information et de pédagogie et se contentent d’osciller entre un rôle de porte parole de la communauté internationale (la présentation du gouvernement bosniaque pluri-ethnique et démocratique comme "les Musulmans" n’est rien d’autre que la propagande médiatique de la purification ethnique) et entre une exploitation émotionnelle de l’horreur à objectif "audimatique" .

Nous mettons en garde les opinions publiques, européenne principalement, contre l’indifférence dont elles font preuve face au drame qui se déroule en Bosnie-Herzégovine.

En effet la question posée par ce drame est d’abord celle de la nation. La réponse qui l’emporte est celle d’une conception ethnique de la nation, fondée sur le droit du sang et des principes racistes. La conception de la nation basée sur le choix des individus à vivre ensemble et le respect de l’identité de l’autre est totalement niée, tant par la pratique de l’agresseur que par les diplomaties ONUsiennes et européennes. La victoire de cette réponse s’avèrera très dangereuse partout sur la planète où des sociétés pluri-ethniques tentent de coexister (en Serbie tout d’abord avec les Musulmans du Sandjak, les Albanais du Kosovo et les Hongrois de Voïvodine, mais aussi en Afrique du sud, en Israël, aux Etats-unis, en ex-URSS, en Afrique noire, en France et dans bien d’autres pays).

Les signataires tiennent à ce que ces prises de position soient exprimées et défendues dans les débats politiques et médiatiques.

Signez ou faîtes signer cet appel.
-  Nom et Prénom :
-  Adresse et Téléphone :
-  Profession ou Qualité :
-  signature : Correspondance : Appel pour le choix du vivre ensemble

Version PDF à télécharger :

logo DOCUMENT 6